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Où sont les femmes au pays des geeks ?

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Par Gaëlle Zovi •

Le féminisme appliqué aux nouvelles technologies, je dois dire que je n’y avais jamais pensé ! J’avais bien sûr remarqué que dans mon entourage professionnel nous étions peu nombreuses mais, probablement influencée par les analyses de Bourdieu et consorts, je me contentais de l’explication selon laquelle nous, les femmes, ne nous sentions pas «autorisées à pénétrer» le milieu scientifique, et par extrapolation celui des nouvelles technologies. Je constate par ailleurs que je ne m’en émouvais pas tellement: les femmes à la communication, les hommes à l’innovation ! Pourquoi changer une équipe qui gagne ?

Mais je dois avouer que j’étais aveugle, et vous aussi probablement. A Austin, il fallait écouter Heather Gold (fondatrice de Subvert.com), Danah Boyd (chercheur, Microsoft Research), Betty Flowers (directrice de LBJ Library) et Julia Angwin (écrivain) pour s’en rendre compte : le féminisme a gagné, et les femmes ont réussi à établir leur domination sur le monde. Oui oui, vous avez bien lu ! le monde est à nous ! Bien sûr il ne s’agit pas du féminisme de maman, qui brûlait son soutien-gorge dans les années 1960, ni de celui de nos grands mères, qui se coupaient les cheveux à la garçonne, fumaient des cigarettes et fabriquaient des munitions. Il s’agit d’une «troisième vague» du féminisme -dont je n’avais jamais entendu parler avant aujourd’hui, mais qui a de quoi, me semble t-il, méduser une Européenne comme moi.

Selon ces nouvelles féministes, les femmes sont «structurellement» différentes des hommes, ce qui leur permet de s’attacher de nombreuses caractéristiques que l’on pourrait presque qualifier d'«essentialistes». Parmi celles-ci, la conférence en question, intitulée «Everything I Needed to Know About the Web I Learned from Feminism» (Tout ce que je sais du Web me vient du féminisme«) retient le fait que les femmes sont... de grandes bavardes. Notre capacité à utiliser le langage est plus développée que chez les hommes. Nous parlons davantage, et utilisons la parole et les capacités relationnelles qui en découlent pour créer et maintenir du lien social. Leurs arguments pour affirmer ces »compétences relationnelles« comme étant typiquement féminines sont simples : ce sont les femmes qui s’occupent des cadeaux de Noël, de l’envoi des vœux pour la nouvelle année, ce sont elles aussi qui organisent les vacances et les réunions familiales.
Ces conventions sociales ont aujourd’hui, selon elles, de profondes répercussions sur le monde des affaires : le marketing, pour être efficace, doit s’appuyer sur une communauté, sur un réseau social préexistant et efficace, qui dépend lui-même de ce »female stuff«. Autrement dit, par un processus de réification du féminisme dans le web lui même, ces »qualités« qui appartenaient jusqu’à présent à la sphère privée sont devenues, grâce aux nouvelles technologies (Web 2.0 et Nouveaux réseaux sociaux) des »compétences sociales« qui ont de la valeur aux yeux du marché : le relationnel a une valeur marchande, et ce sont les femmes qui en détiennent les clés. Le fait de partager de l’information, ou plutôt des nouvelles, des »news« sur le mode du commérage (»Tiens, comment va Unetelle ?«, »Tu savais qu’elle avait changé de job?«, »et ce nouvel article paru dans Elle la semaine dernière, tu l’as lu ?«) est devenu un acte public. Par le biais d’Internet ce qui appartenait à la sphère privée est devenu public, et, par ce mouvement, est devenu une marchandise à haute valeur ajoutée !

Les nouveaux médias sociaux seraient donc l’apogée du féminisme versus troisième vague, et ce sont aujourd’hui aux hommes de s’adapter à ce nouvel environnement. Julia Angwin, se basant sur l’exemple de My Space raconte comment des amis à elle venaient lui demander conseil et lui emprunter ses magazines féminins pour savoir comment utiliser ce site, dont l’audience était au départ très féminine : »ils voulaient apprendre notre langage«, affirme t-elle avec un grand sourire victorieux. Seul regret de notre panel : notre identité numérique se réduit trop souvent à une recherche Google, or le »second feminism« avait réussi à établir notre droit à être multiples... Mais je vous laisse méditer sur cette dernière citation, que l’on doit à Danah Boyd (chercheur, Microsoft Research) »les réseaux sociaux sont des réseaux très forts, ce qui est très féminin«. Je ne m’en lasse pas.

Les anciens clans de nos villages sont donc devenus »communautés«. Les commérages de nos aïeules se sont faits »nouveaux réseaux sociaux«. Et les langues de vip... dont devenues directrices marketing, ce dernier étant lui-même à la base de notre économie. Où sont les femmes ? Partout et nulle part. Vous ne le saviez pas, mais elles ont façonné notre nouveau monde, et ne se lassent pas de le contrôler.

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